Le scénario catastrophe que nous redoutions tous est déclenché. Depuis mi-août, l’enclave d’Idleb rencontre une hausse exponentielle de cas de COVID-19 avec un pic de contamination jamais atteint auparavant. Sinistrée par la guerre et les bombardements durant 10 ans, Idleb est au bord du gouffre.
Le 6 septembre dernier, plus de 1500 cas ont été détectés, contre une moyenne de 50 à 100 nouveaux cas quotidiens auparavant. Parmi les cas identifiés, plus de 90% proviennent du variant Delta. Cette vague inattendue est un coup de massue pour la population. Au désespoir et l’épuisement du personnel soignant, s’ajoute une véritable crainte d’une vague épidémiologique violente touchant les camps de réfugiés, surpeuplés et insalubres.
Avril 2020 : Notre appel dans le journal Libération pour lutter contre le COVID-19 en Syrie
Avant le pic de contamination, les hôpitaux étaient déjà saturés. Aujourd’hui, certains patients doivent être transférés dans d’autres hôpitaux.
Pour une population de plus de 4 millions d’habitants, le nord-ouest de la Syrie ne dispose que de 200 lits de réanimation et 95 respirateurs. Ce manque de moyen considérable est une entrave à l’accès aux soins, et laisse les structures médicales complètement démunies face à la menace d’une vague de contamination incontrôlable.
Dr Jubran, chirurgien formé par le Pr Raphaël Pitti et membre de l’UOSSM France, livre son témoignage à Radio France International :
« Aujourd’hui, c’est la deuxième vague de la COVID-19 dans le nord de la Syrie. C’est le variant Delta qui prédomine dans cette région. La COVID-19 menace la santé de milliers de personnes, et le pic épidémiologique n’est pas encore atteint. Aujourd’hui, nous voyons des enfants hospitalisés dans les hôpitaux d’Idleb, avec des tests positifs et des symptomatologies sévères. On a eu le décès d’un enfant de 6 ans hier. La situation à Idleb est catastrophique, avec un taux d’occupation de 100% des 200 lits de réanimation. Seulement 95 respirateurs sont disponibles dans tout le nord-ouest de la Syrie, beaucoup moins que les normes internationales et humanitaires. On arrive à un taux de 3% de vaccination, donc seulement 3% de la population ont reçu leur deux doses de vaccin ».
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Selon l’OMS, près de 34 000 cas positifs et 2 238 décès ont été recensés depuis le début de la pandémie. Ce chiffre, largement sous-estimé, reflète les difficultés à s’approvisionner en équipement médical essentiel pour prévenir, traiter et endiguer la pandémie.
LES ONG SYRIENNES SUR LE FRONT
Le 20 septembre dernier, une coalition d’ONG syriennes dont l’UOSSM France a publié un communiqué de presse, alertant des dangers de la situation sanitaire dans la région d’Idleb :
« Nous, soussignés, organisations non gouvernementales travaillant dans le secteur de la santé au nord-ouest de la Syrie dans les régions d'Idleb et de la campagne ouest et nord d'Alep, tirons la sonnette d'alarme quant à l'effondrement imminent du système de santé dans la région en raison de l'apparition récente de la pandémie de COVID-19 qui atteint son paroxysme dans la région. Nous avons mis en place un programme de prévention et de traitement de la maladie. Cependant, aujourd'hui, la vague actuelle de l'épidémie a atteint une limite dangereuse sans précédent. Les derniers rapports épidémiologiques publiés dans la région indique que la pandémie a atteint la classification de " pandémie non contrôlée avec une capacité limitée du système de santé à réagir". Ce qui aggrave cette situation catastrophique, c'est que le personnel de santé est déjà ou sera malade, ce qui paralysera considérablement le système de santé. En outre, la la nouvelle campagne militaire dans la région et les déplacements qui s'ensuivront aggraveront la situation. Nous mettons tout en œuvre avec l'Organisation mondiale de la santé, les directions locales de la santé et les donateurs internationaux pour allouer davantage de soutien afin d'augmenter la capacité du système de santé dans le nord-ouest de la Syrie et l'empêcher de s'effondrer. »
LES ACTIONS DE L’UOSSM FRANCE FACE AU COVID-19
Depuis mars 2020, l’UOSSM France s’est mobilisée pour limiter les risques de propagation et préparer le personnel soignant à affronter le pire :
- Distribution de kits d’hygiène: le 26 mars 2020, les premiers efforts voient le jour avec l’arrivée de milliers de kits de dépistage du COVID-19 à Idleb, dans le laboratoire de centre de surveillance épidémique.
- Sensibiliser à l’hygiène au cœur des camps de déplacés internes : la santé communautaire au cœur de nos actions. Parmi les nombreux camps de déplacés dans la région d’Idleb, surpeuplés, insalubres et où le respect des gestes barrières frôle l’impossible, un plan d’action de sensibilisation locale et de distribution de kits d’hygiènes a été mis en place en collaboration avec le Directorat de santé d’Idleb.
- Equiper les infrastructures de santé : l’UOSSM France a mis au cœur de son dispositif, l’approvisionnement des structures de santé et hôpitaux en médicaments et matériel médical indispensable pour assurer la prise en charge des malades de la COVID-19 : stations et générateurs d’oxygène, masques, kits de protection pour les soignants, médicaments.
- Isoler les patients positifs et protéger les hôpitaux : en étroite coordination avec le Directorat de santé d’Idleb, l'UOSSM France a permis la création de 13 centres d’isolement dans le nord de la Syrie. Ces centres sont des tentes ou des bâtiments dédiés à proximité des hôpitaux et centres de santé primaire. Ils disposent de 35 à 50 lits chacun. Ce dispositif vise à endiguer la pandémie et limiter les risques de propagation au sein même des centres de santé.
- Identifier et prioriser nos actions sur les personnes à risque : environ 19 000 personnes souffrent de maladies chroniques à Idleb, dont 4 000 de problèmes respiratoires. Ces personnes, en plus de celles de plus de 65 ans, sont particulièrement à risque. L’UOSSM a l’intention de distribuer aux patients connus de ses services, via nos structures de santé, des kits d’hygiène, ainsi qu’un stock de trois mois et plus, des médicaments nécessaires à leur traitement.
- Protéger et former le personnel soignant :sur la base des directives de l’OMS. Une première formation a eu lieu le 30 mars 2020, animée depuis la France par : le Pr Raphaël Pitti, médecin anesthésiste-réanimateur, spécialiste de la médecine d’urgence et humanitaire ; le Dr Ziad Alissa, médecin anesthésiste-réanimateur, président de l’UOSSM ; le Pr Abdulmonim Hamid, pneumologue, référent scientifique à l’hôpital Foch. Au cours de cette formation, les soignants ont abordé les sujets suivants :
- 1. Présentation et rappel des maladies virales
- 2. Le virus SARS-COV-2, conduisant au COVID-19
- 3. Le diagnostic et le triage
- 4. Le protocole thérapeutique, et sa possibilité en Syrie
Première formation historique pour lutter contre la COVID-19 à Raqqa :
En juillet dernier, une première formation médicale en Syrie a eu lieu. Le Dr Ziad Alissa et le Pr Raphaël Pitti se sont rendus dans le nord de la Syrie afin de délivrer une formation spécifique pour simplifier et standardiser le protocole de prise en charge COVID-19 pour s'adapter aux réalités du terrain : un protocole locale et applicable sur l'ensemble du territoire compte tenu du manque de matériel sur place (pénurie de respirateurs, d'oxygène médical, de masques, de centre de réanimation etc.)
Lire notre article : Formation COVID-19 en Syrie
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Accompagnement du dispositif de vaccination COVAX: Dans le cadre du programme de vaccination COVAX mené par l'Alliance GAVI, la région d’Idleb à reçu ses première doses de vaccin en avril dernier, la toute première livraison à atteindre ce pays meurtrie par une décennie de conflit.
Coordonnée par le Syrian Immunization Group, cette première campagne de vaccination cible les soignants syriens sur l'ensemble du territoire.
L'UOSSM France prend part à cette campagne inédite dans le nord de la Syrie.
Soutenir nos actions de lutte contre le Covid-19 en Syrie et nous aider à acquérir le matériel de protection et de prise en charge du coronavirus est primordial. Ensemble, nous pourrons renforcer les capacités du système de santé syrien et faire face à la fois à cette menace, mais aussi à la situation humanitaire dans son ensemble.