Un an après le décès d’une enfant dans le froid qui avait ému la planète, la situation humanitaire en Syrie n’a pas changé, alerte l’ONG médicale UOSSM. Dans l’indifférence persistante de la communauté internationale, les intempéries hivernales mettent en danger des populations entières, accentuant l’insalubrité et le dénuement de la vie dans les camps de déplacés. 

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Le 13 février 2020, il y a un an, nous parvenait le témoignage glaçant du docteur Housam Adnan. Le visage de la petite Iman, bébé d’un an et demi, qu’il recevait inanimée dans son hôpital, morte de froid dans les bras de son père après un trajet de deux kilomètres dans des conditions extrêmes, faisait le tour des réseaux sociaux.

Iman est alors devenue le visage d’une Syrie meurtrie par la guerre, en proie à des conditions hivernales dévastatrices. Températures négatives, tempêtes, inondations sont devenues autant de sources d’inquiétudes pour les populations que les bombardements et les attaques aériennes. Il y a encore quelques mois, la Syrie connaissait la pire vague de déplacement depuis le début de la guerre, avec plus d’un million de personnes qui fuyaient les bombardements dans la région d’Idleb. Des populations qui n’ont trouvé pour seuls abris que des tentes ou des logements de fortune, tels que des bâtiments en ruines, ne disposant ni de chauffage ni d’isolation contre la pluie, la neige et le froid.

Ces conditions météorologiques extrêmes accentuées par le changement climatique mettent les déplacés internes en première ligne face à la précarité énergétique et sanitaire. La pluie et les basses températures intensifient le besoin continu de carburant, de chauffage, de vêtements d’hiver, de couvertures, de nourriture, de moyens de subsistance, d’eau, d’assainissement et d’hygiène.

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Des Syriens et Syriennes déjà épuisées par dix ans de guerre

 

Un an plus tard, en 2021, la situation reste tristement inchangée. Le scénario se répète alors que la communauté internationale garde un silence glaçant. Après s’être détournée d’une Syrie au cœur de la pire catastrophe humanitaire depuis bientôt dix ans, en mars 2021, elle se détourne d’un fléau aussi saisonnier que l’hiver. Les populations, complètement désemparées, en viennent à brûler leurs meubles, leurs objets personnels, parfois des matières dangereuses pour se chauffer. En janvier dernier, des morts et des blessés ont été recensés à la suite des fumées toxiques de ces incendies, tout comme en 2020.

Depuis janvier, les régions d’Idleb et du nord d’Alep connaissent une vague d’intempéries qui engendrent de fortes inondations au cœur des camps de déplacés. Les routes des camps deviennent des rivières de boue rendant difficile l’accès à l’alimentation, à l’eau, aux soins pour les populations au quotidien. Les enfants se retrouvent dans la rue, jouent dans la boue souvent pieds nus, faute de chaussures.

Entre le 14 et le 20 janvier 2021, ces pluies ont endommagé 196 sites de camps de déplacés. 67 644 personnes ont été touchées par les inondations, plus de 3 762 tentes ont été détruites, et 7 728 tentes abîmées, autant de familles qui se retrouvent complètement démunies. 

« La pluie est une tragédie pour les habitants des camps. Leurs tentes ne sont pas imperméables », déplore le Dr Muhannad Al-Khalil, médecin dans le centre de santé de l’UOSSM France, dans le camp d’Atmé.

Ces inondations sont loin d’être anecdotiques, elles représentent un risque réel pour la situation humanitaire des habitants de ces camps. En effet, ces routes endommagées empêchent l’arrivée de l’aide humanitaire. Fin novembre, avait été achevée la réhabilitation de la route entre Ghazawiyet et Afrin. C’est un tronçon de route vital pour garantir que les convois de l’ONU depuis la Turquie puissent continuer à atteindre les personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie, via le point de passage de Bab Al-Hawa.

 

Une aide indispensable pour faire face à l’hiver

 

Les effets dévastateurs de l’hiver se rajoutent donc à des conditions de vie déjà précaires, résultant de dix ans de guerre et de bombardements. Vêtements d’hiver, matériel de chauffage, couvertures sont des besoins aussi basiques qu’essentiels pour la survie des populations face aux conditions extrêmes de l’hiver. En Syrie, les températures peuvent parfois descendre jusqu’à - 10 °C. Seule l’aide humanitaire apportée par des ONG, comme l’UOSSM France, permet à ces populations de pouvoir faire face à de telles températures.

Des campagnes grand froid sont menées par nos équipes humanitaires pour apporter des kits d’hiver aux populations : chaussures, gilets d’hiver, matelas, couvertures chaudes.

De plus, en tant qu’ONG médicale, nous apportons une attention particulière aux soignants et à nos centres de santé, qui doivent pouvoir recevoir dans de bonnes conditions les patients venant se soigner. Il est impératif d’assurer autant que possible une isolation thermique avec la mise en place de tapis au sol, de chauffage au diesel ou électrique.

Aujourd’hui, à notre grand désarroi, après dix ans de catastrophe humanitaire, les programmes en santé, protection, eau et assainissement voient leurs fonds se tarir et sont parfois suspendus ou tout simplement fermés par manque de financement. Des millions de personnes peuvent se retrouver du jour au lendemain sans accès à l’eau ou aux soins à cause de la fermeture d’un programme.

Il est urgent d’agir et de soutenir les populations pour contenir la catastrophe humanitaire en Syrie durant cet hiver.

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Les chiffres clés du contexte humanitaire en Syrie :

 

- 13 millions de personnes dans le besoin
- 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays
- 1,6 million de personnes vivant dans les camps dont 80 % sont des femmes et des enfants
- 55 % de foyers sans chauffage
- 13 % de foyers sans couchage
- 7 millions de personnes sont en insécurité alimentaire
- Augmentation de 70 % des cas de malnutrition sévère chez les enfants âgés de 6 mois à 5 ans
- 70 % des personnes déplacées dans les camps du nord-ouest de la Syrie comptent sur l’aide humanitaire pour se fournir en eau quotidiennement par camion
- 50 % des hôpitaux et centres de santé sont fonctionnels dans le nord-ouest de la Syrie