Suite à une première mission exploratoire en janvier 2024, les Drs Pierre Catoire et Mehdi El Melali ont mené une première mission de formation à l'échographie d'urgence en mai 2024. 

Retour d'expérience.

Quelle est la situation en Cisjordonie ? 

Mehdi El Melali : La Palestine est divisée en deux territoires : à l'est, la bande de Gaza, et à l'ouest, la Cisjordanie. La Cisjordanie, avec environ 3 millions d’habitants, est subdivisée en plusieurs zones (A, B et C). Ces zones reflètent le degré de contrôle exercé par le gouvernement palestinien sur le plan sécuritaire et la gestion des services médicaux.

Les zones A et B sont des fragments de territoire entourés par la zone C, qui est sous contrôle israélien. Cela rend les déplacements difficiles, car les échanges entre ces zones passent par des checkpoints israéliens, ralentissant les mouvements de marchandises et de personnes. Cette situation chronique, qui perdure depuis des années, s'est encore aggravée depuis le 7 octobre 2023.

Comment s’était passée votre mission exploratoire en janvier dernier ? 

M.E. M. : En janvier 2024, nous avons fait le choix d'axer notre mission sur la Cisjordanie, l’accès à Gaza étant impossible. Nous avons été surpris par l'ampleur des difficultés sur place. Notre objectif était d'évaluer les besoins locaux et de rencontrer les acteurs humanitaires, tant locaux qu'internationaux, ainsi que les représentants de l'autorité palestinienne.

Nous avons constaté une augmentation des checkpoints contrôlés par l'armée israélienne, rendant les déplacements limités et dangereux. Cette situation a contribué à plus de 450 décès recensés depuis le 7 octobre dernier, liés aux affrontements.

Quel est le niveau du système de santé en Palestine ? 

M.E. M.  : Le niveau médical en Palestine est très élevé, comparable à celui de la France et parfois même supérieur dans certains domaines grâce à une influence internationale. Malgré le contexte difficile, ils montrent une volonté organisationnelle remarquable.

Cependant, ils manquent de moyens en raison du blocage par les autorités israéliennes des convois logistiques et de la mobilité restreinte des soignants.

Quels sont les besoins identifiés  ? 

M.E. M. : Nous avons identifié cinq principaux besoins, avec l'aide des Palestiniens qui connaissent bien leur système de santé. Tout d'abord, l’échographie d’urgence, pour laquelle Mehad a une grande expertise. Ensuite, la gestion des accouchements en situation d’urgence, la formation à la chirurgie de guerre, le soutien aux cliniques mobiles actuellement à l’arrêt, et enfin, le soutien logistique pour l'apport d'équipement médical et de médicaments.

Pourquoi avoir choisi la formation à l’échographie d’urgence comme priorité ? 

Pierre Catoire : Finalement, dans le spectre des formations, l’échographie d’urgence c’est ce qui manque. En effet, l’échographie clinique est assez nouvelle.

Pour des patients en situation de conflit exposés à des traumatismes particuliers l’échographie d’urgence permet de déterminer si le patient est stable, stabilisé ou instable afin d’orienter le chirurgien.

Notre objectif est de former les cliniciens à réaliser des échographies abdominales et thoraciques en moins de trois minutes, ce qui est la norme pour obtenir notre certification.

Comment avez-vous développé cette formation ? 

P.C. : Cette formation a été développée en partenariat avec le ministère de la Santé palestinien. Nous visons à apporter des compétences clés aux professionnels de santé et à préserver leur capacité d’apprentissage continu. Notre programme n'est pas une formation isolée mais le début d'un processus d'apprentissage continu à l'échographie, adapté aux contraintes logistiques de la région.

Où êtes-vous intervenus ? 

P.C. : Avec le soutien du ministère de la Santé palestinien, nous avons déployé cette formation dans toute la Cisjordanie, notamment à Hébron, Bethléem, Jéricho, Tulkarem, Jénine, Naplouse, Selfit et Ramallah. Ces villes ont été choisies en fonction des besoins identifiés par le ministère.

Quels sont les résultats de cette première phase ?  

P.C. : Nous avons lancé un processus d’évaluation dès le premier jour de la formation. Tous les participants ont été certifiés, maîtrisant l’échographie abdominale et thoracique en moins de trois minutes. Nous avons organisé douze sessions de formation, avec une moyenne de dix participants par session. Les retours ont été très positifs, avec une note de satisfaction de 9/10 et 100% de recommandations. À l’avenir, nous souhaitons développer la formation des formateurs pour multiplier les sessions et étendre les formations à l’obstétrique.

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