Deux ans, huit mois et vingt-cinq jours : c’est le temps écoulé depuis le début de la guerre en Ukraine. Les équipes de Mehad, présentes sur le terrain, continuent de soutenir les populations affectées et de collaborer avec les acteurs locaux de santé grâce à des programmes essentiels de formation, de réhabilitation et d’accompagnement psychologique. Eux-mêmes sont impactés personnellement par cette guerre. Témoignages du terrain d’Anna, responsable du programme « Formation », et de Taras, physiothérapeute du programme « Réhabilitation » mobilisé au front.
Anna : « Je devais fuir pour protéger ma fille »
« Quand la guerre a débuté, ma fille avait seulement 3 ans. Aujourd’hui, elle en a presque le double. Je n’arrive pas à croire que c’est réel », témoigne Anna, responsable pour Mehad du programme « Formation » en Ukraine.
La jeune femme, mère célibataire, vivait à Kharkiv. « J’aurai pu partir longtemps auparavant, mais j’ai voulu rester jusqu’au dernier moment. Mais ma fille développait un syndrome de stress à cause du bruit constant des explosions et des courses incessantes vers les abris. À cet instant, j’ai compris que je devais m’en aller pour la protéger.
J’ai juste pris ma fille, quelques affaires pour elle, mon chien et sa gamelle, et je suis partie. J’ai réalisé après que je n’avais même pas pris un seul vêtement de rechange pour moi. Je n’aurai jamais pu imaginer que j’aurai à fuir ainsi en laissant ainsi toute ma vie derrière moi ».
« Pourquoi ne faites-vous rien ? Ne voyez-vous pas ce qui se passe ? »
Réfugiée à Varsovie – elle est depuis revenue à Kharkiv – Anna se souvient : « j’étais avec d’autres Ukrainiennes. En échangeant avec elles, je me suis rendue compte que lorsque nous avons vu les gratte-ciels en arrivant à Varsovie, nous avons toutes eu la même pensée : et si une bombe frappait ici ? Nous imaginions les éclats de verre volant partout, blessant et tuant tant de gens. Cette seule pensée reflétait à quel point notre perception était marquée par la menace constante de destruction et de guerre ».
Le contraste entre la vie « normale » de Varsovie et le chaos qu’elle a quitté est aussi difficile à vivre pour Anna : « chez nous, nos maisons étaient détruites par des mains étrangères, des enfants et des adultes mouraient chaque jour. Mais ici, à Varsovie, tout semblait normal. À ces moments-là, j’avais envie de crier : « pourquoi ne faites-vous rien ? Ne voyez-vous pas ce qui se passe ? Des enfants meurent, des gens souffrent, et pourtant vous continuez votre vie comme si de rien n’était ! »
Taras : du centre de réhabilitation au front
Depuis quelques mois, outre les attaques directes – notre centre de réhabilitation de Kyev a été bombardé en juillet dernier – l’équipe du programme de réhabilitation, dont trois membres ont eux-aussi dû fuir leur région en raison des attaques, a également subi une perte notable: celle de Taras.
Le responsable des équipes de physiothérapie a été contraint de rejoindre l’armée ukrainienne sur le front.
« Taras a rejoint notre équipe en octobre 2023 en tant que superviseur en physiothérapie à Kyiv. Il est ensuite devenu responsable de l’ensemble des équipes de physiothérapie à Kyiv et Vinnytsia, tout en assurant la formation principale de nos sessions. Le 9 août 2024, il a été arrêté à un poste de contrôle militaire et immédiatement enrôlé dans l’armée. Après deux mois de formation, il a été envoyé combattre dans la région de Donetsk », raconte Natalia, la responsable du programme « Réhabilitation » de Mehad.
« Il s’agit non seulement d’un kiné, d’un manager et d’un formateur incroyable, mais aussi d’une personne formidable, toujours de bonne humeur ». Désormais au cœur du conflit, Taras continue de donner des nouvelles à ses collègues. Il a aussi laissé derrière lui sa femme et sa petite fille âgée d’un an et demi.
Un enfant qui, comme de nombreux autres, n’aura connu que la guerre en Ukraine.
Agissez à nos côtés
Malgré les défis, Mehad poursuit son action en Ukraine en menant des programmes de réhabilitation, des formations médicales, un soutien psychologique et la distribution de matériel médical essentiel, avec pour objectif de faire une réelle différence dans le domaine de la santé en période de crise.