Dr Hamza AlKateab, témoin oculaire du manque cruel d’accès aux soins à Alep durant son siège, faisait partie, en 2012, des 31 médecins présents dans l’est d’Alep et même dans toute la région. Formé par Mehad (Ex-UOSSM France) à la médecine de guerre, il nous livre un témoignage poignant sur l’état sanitaire et les besoins vitaux en Syrie.
Au fil du temps, le flux de migrations à l’extérieur de la ville d’Alep dépendait du conflit. Durant les périodes d’accalmie, les habitants, qui avaient fui, revenaient à Alep mais cela signifiait plus de victimes, plus de maladies chroniques et un manque d’accès aux soins conséquents. Nous dépendions de dons limités. Les hôpitaux était l’endroit le moins sûr pour les patients car les structures de santé étaient la cible principale des bombardements.
Si nous disions aux patients que leur convalescence devait durer une semaine à l’hôpital, ils nous répondaient :
“Non, c’est dangereux de rester aussi longtemps dans un hôpital. Je préfère déménager hors d’Alep ou essayer de prendre mes médicaments à la maison”.
Pourquoi ai-je décidé de rester, me diriez-vous ? Les infirmières, les médecins et tous les soignants étaient considérés comme les secours d’Alep qui comptait en 2013 1,4 millions de personnes. Si un de nous était absent une semaine, les conséquences sur les patients et les hôpitaux étaient désastreuses. Je ne pouvais pas partir. Le fait de fournir des soins aux gens n’était pas seulement un travail professionnel mais une forme de résistance. C’est ce qui m’a poussé à m’engager à rester là-bas.
Les formations, appui vital des soignants syriens et des hôpitaux en première ligne
Ce qui était certain, c’est que notre travail et nos actions ne pouvaient être possibles sans une aide technique, matérielle et financière. En 2012, un ami m’a appelé pour m’informer que je devais aller rencontrer un membre de Mehad (UOSSM France à l’époque) en Turquie qui était prêt à nous former. A l’époque, je ne savais pas ce que faisait l’organisation mais je me souviens très bien du jour où j’ai reçu de leur part deux kits médicaux. Cette personne, par la suite, est venue nous rendre visite à Alep Est et c’est là où mes collègues et moi-même commencions à comprendre ce qu’essayait de faire Mehad (Ex-UOSSM France).
Il s’agissait d’un réel travail de fond. Mehad comblait des lacunes, aidait aux évaluations, au financement des centres de santé primaires et aux salaires des soignants. C’est essentiel car une personne peut se porter volontaire dans une zone de conflit un certain temps mais il faut lui fournir l’électricité, le matériel et les machines médicales nécessaires mais également de quoi faire vivre sa famille. Le besoin était illimité. Certaines organisations fournissaient des kits médicaux, d’autres les salaires et les frais de fonctionnement mais Mehad comprenait les besoins et les dynamiques de l’époque et y répondait, particulièrement celui de la médecine de guerre.
Les zones de conflits manquent de tout, nous n’aurons donc pas toujours le meilleur matériel et le diagnostic d’un patient ne sera pas le même en temps de paix ou dans un pays développé. De nombreuses organisations ont fait des formations en dehors de la Syrie, notamment en Turquie, en raison de la proximité du pays à Alep. Ce qui voulait dire que médecins et soignants devaient s’absenter une semaine et que c’était seulement ceux qui pouvaient se déplacer (passeports valides) qui le faisaient. Le Pr. Raphaël Pitti, aux côtés de Mehad est venue à Alep effectuer les formations sur place ce qui a permis à tous les soignants présents dans les hôpitaux de se former.
Parfois, à cause des attaques, on devait interrompre la formation pour aller secourir et soigner les blessés et on la reprenait le lendemain.
C’était certes un appui technique mais surtout psychologique. Les soignants se sentaient soutenus, moins seuls dans le combat qu’ils menaient. Ils gagnaient en force et en positivité, cela les aidaient à continuer malgré les pertes humaines que nous vivions.
Un hôpital, gardien de la santé, ne devrait aucunement être attaqué. Au cours de ces 11 dernières années, plus de 630 hôpitaux ont été visés.
Redonnons de l’espoir aux soignants syriens !