Depuis le 15 décembre 2019, les bombardements se sont intensifiés dans le sud-est d'Idleb. Nous estimons que plus de 700 000 personnes vont être affectées. Jusqu'à présent 250 000 personnes se sont enfuies de la ville de Maarat Al-Nouman qui est prise pour cible. Nous assistons à un désastre humanitaire. Les besoins sont énormes. Témoignage inédit du Dr Ahmed Ismail, coordinateur de l'aide d'urgence à Idleb, UOSSM. 

Pourriez-vous nous décrire la situation des déplacés internes d’Idleb et de la crise intense que vit actuellement la région ?

La situationest catastrophique et les horreurs des scènes vécues par la population sont indescriptibles. Les mots ne suffisent plus pour relater l’atrocité de ce que je vois. Les gens errent désespérément sans savoir où s’abriter. Les camps de déplacés internes dans le nord de la Syrie sont déjà débordés par des milliers de personnes . Et ces jours-ci, nous faisons face à une nouvelle vague de déplacés venus d’Idleb.


Les scènes des gens, dormant par terre dans des conditions très dures de froid et de pluie incessante, déchirent le coeur. La population locale reste incapable de subvenir aux besoins urgents des déplacés et les accueillir dignement sans l’intervention d’ONG internationales qui est encore très insuffisante. En effet, la surpopulation des camps, son appauvrissement progressif et l’accumulation des ravages de la guerre, éclatée depuis huit ans, limitent considérablement leurs moyens d’actions. 

Mais ce qui est le plus accablant, c’est l’indifférence de la communauté internationale devant le désastre d’Idleb. Ces victimes de guerre, ne méritent elles pas un élan international pour leur venir en aide ? Ces persécutés de guerre ne sont-ils pas des humains comme nous ? Où est l’humanité ?!!

"Certaines personnes s’enfuient de leurs maisons, pieds nus pour épargner leurs vies quitte à laisser tous leurs biens sous les bombardements et les tirs, certaines femmes accouchent dans la rue faute de mieux…"

 

Les horreurs de l’exode d’Idleb dépassent la limite de l’entendement. Certaines personnes s’enfuient de leurs maisons, pieds nus pour épargner leurs vies quitte à laisser tous leurs biens sous les bombardements et les tirs, certaines femmes accouchent dans la rue faute de mieux…Durant ces moments de de crise, chacun fait comme il peut pour se sauver : certains utilisent leurs voitures mais d’autres faute de ressources et devant la pénurie des carburants et leurs prix exorbitants s’enfuient sur leurs vélos. 

Quel tort a commis cette population civile, qui n’est liée à aucune des parties prenantes de la guerre pour être ainsi chassée et persécutée ? Cette situation désastreuse m’attriste et me met en colère face à tant de besoins de première nécessité que nous peinons à combler. 

Quels sont les besoins médicaux actuellement ?

Sincèrement, on manque de tout. Mais, pour être plus précis, la population fait face à deux défis essentiels. : la sous-nutrition et la prévention d’épidémies de l’appareil respiratoire. Ces épidémies résultent du froid hivernal sévère, l’absence d’abris et de moyens chauffage adéquats, ce qui risque d’alourdir les pertes humaines surtout pour les enfants qui sont extrêmement vulnérables en ces conditions.

Comment peut-on agir maintenant à Idleb ?

Notre problème majeur est la pénurie des aides humanitaires à un moment où la population en a le plus besoin.  Malgré tout, l’UOSSM continue de gérer plusieurs centres de soins primaires réparties dans les régions de Ariha, Khareknayeh, Kafarnah, Afrin, Kobtan al-Jabal. Nous continuons de prodiguer des soins dans trois cliniques mobiles  pour couvrir les besoin vitaux en matières de soins primaires et d’urgence pour la population déplacée. Nous avons des agents de santé publique qui distribuent auprès de la population des compléments alimentaires comme des barres céréales, des compléments nutritionnels de vitamines, de fer et d’acide folique, mais aussi des médicaments destinés au femmes enceintes. Mais, l’UOSSM souffre actuellement de baisse drastique de financement et un recul de la mobilisation des acteurs et de nos partenaires humanitaires internationaux.