Troisième édition de la conférence « Recherche pour la santé sur le conflit syrien »

26 novembre 2021

Pour la 3ème année consécutive, l’UOSSM France a participé à l’organisation d’une conférence dédiée à la recherche pour la santé sur le conflit syrien en partenariat avec d’autres acteurs clés présents en Syrie. Retour sur cet événement qui s’est déroulé virtuellement le 25 novembre dernier.

La recherche scientifique, un rôle majeur dans la réponse humanitaire en Syrie

À l’aube de sa dixième année, le conflit syrien reste l’une des crises humanitaires les plus dévastatrices au monde. Le conflit a eu de graves répercussions sur la santé des Syriens, qu’ils se trouvent en Syrie ou qu’ils aient fui le pays pour trouver refuge dans les pays voisins et en Europe. Ces effets néfastes sur la santé ont été causés à la fois par des effets directs, tels que les décès, les blessures et les maladies et indirects, comme l’effondrement du système de santé et l’interruption des traitements. Alors que la réponse humanitaire en matière de santé tente d’atténuer certaines des souffrances, la recherche joue un rôle clé pour tirer ces leçons qui pourraient aider à améliorer la réponse sanitaire en Syrie et ailleurs. Le consortium du programme de recherche pour le renforcement des systèmes de santé dans le nord de la Syrie (R4HSSS) du groupe de Recherche sur la Santé et les Conflits du King’s College, de l’UOSSM France, du Syria Research Group (SyRG), du Syria Public Health Network (SPHN) et du Health in Humanitarian Crisis Centre du LSHTM lance pour la 3ème année consécutive une conférence dédiée à la recherche pour la santé dans le conflit syrien.

La conférence s’est tenue virtuellement le 25 novembre dernier et a réuni des intervenants exceptionnels issus du monde universitaire, des acteurs de santé de première ligne et des ONG pour présenter des recherches sur des questions d’actualité en Syrie, allant de la gouvernance des systèmes de santé à l’épidémiologie, en passant par de nombreuses autres disciplines de la santé mondiale.

Cette conférence annuelle est une excellente occasion de nouer des liens avec d’autres chercheurs dans ce domaine, dans le but de combler le fossé entre les chercheurs locaux et internationaux et les organisations humanitaires.

Découvrez un résumé d’une recherche sur chacune des thématiques explorées :

La réponse COVID-19 en Syrie

Caractérisation de la troisième vague de l’épidémie de COVID-19 dans le nord-ouest de la Syrie

Chercheur : Orwa Al Abdulla

Au moment de la rédaction du présent rapport, le nord-ouest de la Syrie échappe au contrôle gouvernemental et doit faire face aux défis de la pandémie de COVID-19. Le variant Delta, a été détectée pour la première fois en Angleterre en mars 2021, entraînant une augmentation rapide du taux d’incidence du COVID-19. La compréhension de la dynamique des épidémies est essentielle pour les systèmes de santé afin de planifier les interventions de santé publique, en particulier dans les pays touchés par des conflits comme la Syrie, où le système de santé presque effondré a dû faire face à d’énormes défis depuis le début de la guerre en 2011. Depuis la deuxième semaine d’août 2021, la région du nord-ouest a été témoin d’une augmentation significative des cas de COVID-19 due au variant Delta. Cette étude vise à explorer la dynamique et à simuler la progression de la vague actuelle dans le nord-ouest afin d’estimer le nombre d’individus qui seront infectés et par conséquent, de préparer le terrain pour les acteurs humanitaires à identifier les ressources nécessaires pour la vague actuelle et les suivantes.

Résultats : La propagation du variant Delta dans le nord-ouest syrien a entraîné une augmentation du nombre de cas par rapport aux première et deuxième vagues. Cependant, la charge accrue sur le système de santé, par rapport aux autres régions, pourrait être due à l’absence de mesures préventives, à la faible couverture vaccinale et à la capacité limitée des hôpitaux de COVID-19. Compte tenu des études précédentes sur la dynamique de l’épidémie de COVID-19, il semble que plus de 50 % de la population ait déjà contracté la maladie au cours des trois vagues. En comparant le nombre de cas prévu de cas et la capacité des hôpitaux COVID-19, le système de santé a été débordé de façon notable lors de la troisième vague.

L’adaptation du système de santé pendant le conflit syrien :

Recherche qualitative sur les motivations de travail des professionnels de la santé locaux en Syrie

Chercheuse : Agneta Kallstrom

Le conflit en Syrie dure depuis une décennie, provoquant des crises humanitaires importantes. La guerre a infligé des dommages massifs aux infrastructures civiles et les structures de santé n’ont pas été épargnés. En conséquence, de nombreux professionnels de la santé ont quitté le pays. Cette situation a conduit à une distribution inégale des services de santé parmi les civils. Malgré le danger de mort, certains professionnels de la santé ont continué à travailler en Syrie. Cette étude qualitative vise à déterminer les facteurs qui ont motivé les professionnels de la santé syriens à travailler dans un pays touché par le conflit.

Cette étude est basée sur 20 entretiens semi-structurés de professionnels de santé syriens principalement réalisés en 2016 – 2017 à Gaziantep, en Turquie. Les résultats préliminaires montrent que les professionnels de la santé avaient des raisons intrinsèques et extrinsèques de continuer à travailler en Syrie. Il est nécessaire de comprendre ces motivations lorsqu’on essaie de recruter des travailleurs de la santé après la guerre. Cette recherche souligne également que le système de santé s’effondrerait totalement sans les professionnels locaux et laisserait la population sans soins de santé adéquats. Sans professionnels qualifiés, il est impossible d’offrir de bons services de santé à la population syrienne démunie.

Cet article inédit, qui est en cours de publication, ajoute des informations sur les effets de la crise syrienne sur les soins de santé du point de vue des travailleurs de la santé. Il fournit un aperçu unique des motivations des travailleurs de la santé qui poursuivent leur travail en Syrie. Les résultats de l’étude peuvent être généralisés à d’autres guerres contemporaines impliquant plusieurs parties et acteurs différents, comme dans le conflit syrien.

L’accès aux soins de santé à l’intérieur de la Syrie et dans les pays voisins :

Améliorer l’accès aux services de santé spécialisés pour les réfugiés syriens en Turquie. Une étude de cas sur la télé-consultation

Chercheur : Ammar Hasan Beck

L’accès aux services de santé est difficile pour les réfugiés syriens en Turquie, en particulier pour les services de santé spécialisés (santé mentale, soutien psychosocial et réadaptation physique). Les principaux obstacles à l’accès aux services sont les suivants : obstacles financiers, obstacles juridiques, obstacles linguistiques, manque d’informations et pénurie de prestataires de services. D’après une étude menée par l’école d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, les résultats montrent qu’à Istanbul, 83 % des personnes souffrent de troubles musculosquelettiques et 73 % des personnes souffrant de symptômes en santé mentale auraient pu bénéficier d’un traitement.

Si les difficultés d’accès existaient avant l’émergence de la COVID-19, elles ont été exacerbées par la pandémie. L’accès aux services de santé est passé de 87 % à 25 % en avril 2020. La Turquie a signalé son premier cas de COVID-19 en mars 2020 et depuis, le gouvernement a pris des mesures progressives pour réduire la propagation de la maladie. En conséquence, tous les centres soutenus par les acteurs de la santé ont fermé. Le Rotary International (RI) a rapidement réagi pour trouver des alternatives afin d’éviter l’interruption des services pour les réfugiés vulnérables via une plateforme de télésanté pour la santé mentale et la réhabilitation physique.

Pendant la phase pilote (avril-mai 2020), le RI a fourni 5 583 sessions de télésanté à 1 483 clients, 92 % d’entre eux se déclarant satisfaits du modèle. En juin, le modèle de télésanté a été étendu et au cours des 12 mois suivants, le RI a fourni plus de 60 000 séances de télésanté à près de 7 500 patients. L’analyse technique des données du programme a montré comment la télésanté peut améliorer l’accès aux services spécialisés pour les groupes les plus vulnérables (en particulier les femmes et les personnes âgées).

Grâce à cette étude de cas, le Rotary International démontrera comment la télésanté peut être appliquée avec succès dans le secteur humanitaire pour aider les réfugiés syriens à accéder aux services de santé. Les meilleurs résultats sont obtenus en utilisant une modalité hybride (télésanté et en personne).

Santé mentale et sensibilité au genre

Priorité et développement des compétences familiales comme facteur de protection de la santé mentale des familles syriennes

Chercheuse : Aala El-Khani

Le conflit et les déplacements forcés menacent le bien-être des personnes ayant ou s’occupant d’enfants. La guerre a des conséquences indirectes négatives sur le développement de l’enfant, telles que des taux élevés d’anxiété, de dépression, ou la probabilité de d’adopter des comportements à risque tels que la toxicomanie et les comportements sexuels à risque. Les interventions de rétablissement psychosocial dans les contextes humanitaires négligent souvent l’effet significatif que les soignants peuvent avoir sur l’amélioration de la trajectoire future des enfants.

L’importance d’une parentalité engagée, réactive et stable pour le bien-être de l’enfant a été documentée dans divers contextes culturels et économiques. La recherche s’est portée sur les personnes déplacées et les réfugiés syriens, qui indique que, malgré le besoin plus élevé pour les soignants dans des contextes difficiles, ils peinent à fournir un soutien adéquat à leurs enfants en raison du manque de ressources ou de leur incapacité à faire face à leurs propres défis émotionnels. Un certain nombre d’études publiées soulignent leurs efforts pour fournir aux familles syriennes afin de répondre à leurs besoins familiaux et améliorer leur santé mentale et leur bien-être. Par exemple, les précédentes études ont permis d’améliorer la récupération des traumatismes de l’enfant grâce à la création d’un programme parental adapté.

La priorité accordée à la santé mentale et au fonctionnement de la famille comme un besoin primaire, au même titre que l’accès aux soins médicaux, à l’assainissement et à l’eau potable est l’un des enjeux majeurs dans l’approche humanitaire syrienne et dans les zones de conflits.

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