Enquête terrain sur la santé infantile dans les camps de Raqqa

30 décembre 2021

Du 15 novembre au 15 décembre 2021, une étude ambitieuse s’est déroulée dans plusieurs camps de déplacés dans la région de Raqqa, dans le nord de la Syrie. Quatre équipes médicales, dont l’équipe du Dr Soumaia, ont sillonné les camps pour effectuer un bilan de santé complet sur les enfants de 4 à 6 ans.

Retour en vidéo sur cette enquête terrain inédite pour l’UOSSM France.

Une étude exhaustive pour établir un état des lieux sanitaire de la santé infantile en Syrie

Lors d’une formation de lutte contre la COVID-19 menée à Raqqa, le Dr Ziad Alissa, président de l’UOSSM France et le Pr Raphael Pitti, responsable Formation, ont rencontré une femme remarquable, le Dr Soumaia, médecin généraliste de Raqqa. Ensemble, ils ont décidé de mener une étude scientifique ambitieuse sur la santé infantile dans les camps de déplacés internes dans la région de Raqqa.

Pour mener ce projet à bien, le Dr Soumaia a cartographié l’ensemble des camps du nord-est syrien pour cibler au mieux les zones d’intervention de l’étude. Parmi les 62 camps de déplacés internes que compte la région de Raqqa, plusieurs ont été sélectionnés parmi les critères suivants : Camps existant avant 2016 (pour les enfants vivant depuis un certain temps dans ces camps, voire nés dans ces camps) – Accessibilité géographique & Internet – Autorisation obtenue par les autorités locales – présence d’enfants de la tranche d’âge de 4 à 6 ans ciblée.

A partir de cette étude, nos objectifs sont multiples. Les résultats de notre étude nous permettra dans un premier temps de construire une réponse adaptée de prise en charge des enfants en fonction des priorités sanitaires. Pour les enfants aux pathologies complexes, nous souhaitons trouver des partenaires intéressés par notre projet, qui souhaitent soutenir financièrement la prise en charge des cas nécessitant une opération chirurgicale. Enfin, notre rôle en tant qu’acteur de premier plan sur la santé en Syrie, est également d’alerter l’opinion publique et d’opérer des changements structurels sur le plan politique en menant un plaidoyer efficace sur la situation sanitaire des enfants en Syrie.

En terme épidémiologique, le résultats ne peuvent être probants que si nous atteignons un panel de 500 à 1000 enfants âgés de 4 à 6 ans à interroger. Pourquoi de 4 à 6 ans ? Car à partir de 4 ans, sur le plan psychologique du développement de l’enfant, c’est l’âge où l’enfant dispose de tous les outils pour commencer ses apprentissages. Un enfant de 4 ans connaît en moyenne 2500 mots et sait exprimer ses besoins – ses douleurs. A cet âge, l’enfant connaît la motricité et commence à écrire.

C’est la tranche d’âge charnière pour le début de son apprentissage. Mais pour ses enfants vivant dans une précarité extrême, sans éducation, auront-ils les mêmes capacités intellectuelles qu’un autre enfant de 4 ans pour débuter dans la vie ? C’est une réponse que l’UOSSM France souhaite apporter grâce aux analyses menées.

Déroulé de l’étude sanitaire dans les camps de Raqqa

Suite à la formation menée par le Dr Ziad Alissa et le Pr Raphaël Pitti sur la collecte de données et le diagnostic complet des enfants de 4 à 6 ans, les quatre équipes médicales composées d’un médecin et d’un.e infirmier.e ont sillonné les camps de Raqqa et établi un diagnostic complet sur l’état de santé de plus de 1000 enfants.

>> En savoir plus sur la formation sur la santé infantile à Raqqa <<

Une diffusion de l’information sur la possibilité de faire réaliser des bilans de santé pour tous les enfants de 4-6 ans vivant dans les camps a été réalisée par les équipes mobilisées et leurs contacts. Les parents ont ainsi été invités à venir faire passer les bilans de santé par les professionnels de santé mobilisés durant une période et créneaux définis. 

Les professionnels de santé formés ont réalisé les bilans de santé des enfants dans les camps, selon un questionnaire et des examens définis. Concernant le questionnaire, il existe un bilan de santé organisé en France par les services départementaux de protection maternelle et infantile (PMI) et certains services municipaux de santé scolaire afin d’évaluer l’état de santé des enfants et d’apprécier les actions de prévention réalisées par les équipes auprès des enfants scolarisés dans les écoles maternelles. 

Ce même bilan de santé a été dupliqué et adapté compte tenu de la réalité des conditions de vie de la population syrienne. Il a notamment été ajusté sur certains items (sur les vaccinations) pour s’adapter à la situation en Syrie. D’autres questions ont également été ajoutées pour explorer les questions de santé mentale afin d’identifier des troubles du comportement en lien avec l’exposition à des évènements traumatisants. 

L’enquête terrain est maintenant terminée et donnera lieu à une analyse et publication des résultats courant mars – avril.

Le Dr Youssef, médecin participant à ce projet, nous livre son témoignage :

« Je m’appelle Youssef, 28 ans, médecin généraliste originaire d’Alep. J’ai commencé à travailler dans des ONG il y a 1 an. Je travaille aujourd’hui avec l’organisation locale soutenue par l’UOSSM France en tant que médecin interne et j’ai également travaillé en tant que pédiatre. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le traitement des enfants sont notamment le manque d’accès aux informations correctes faute de sensibilisation des parents, ainsi que la difficulté de fournir un traitement adéquat faute de moyen dans le domaine médical.

J’ai beaucoup appris lors de de la formation menée par le Pr Raphaël Pitti et le Dr Ziad Alissa. Cette formation nous a permit de bénéficier des outils et méthodes adéquats pour mener les études sur le terrain, que ce soit en terme de collecte de données ou de prise en charge médicale des enfants. En tant que médecin, nous avons toujours peur de l’apparition des maladies infantiles dans les camps de déplacés, car nous n’avons que très peu de moyens pour suivre leur pathologies et les traiter. J’espère sincèrement que nous arriverons un jour à augmenter les capacités financières pour apporter l’aide dont toutes ces communautés ont besoin. »

 

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