Le Directorat de Santé d’Idleb a organisé une réunion d’urgence avec tous les acteurs de santé de la région d’Idleb, dont l’UOSSM (directeurs d’hôpitaux, de laboratoires, de centres épidémiologiques, services de santé primaire et secondaire). Les points suivant ont été abordés : les capacités actuelles en terme de prévention ; les besoins du secteur de la santé ; la mise en place d’un plan d’action d’urgence. La riposte s’organise.
La population syrienne n’étant pas correctement sensibilisée sur la situation, le Dr Moundhir Al Khalil, directeur du Directorat de santé d’Idleb alerte, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, sur les risques liés au COVID-19, et donne ses préconisations pour éviter la propagation du virus dans la région. Voici ce qu’il y raconte :
“ Il est vrai que, pour le moment, aucun cas n’a été déclaré dans les zones libérées, mais cela ne signifie pas l’inexistence de cas. En effet, la durée d’incubation du coronavirus est de 14 jours, par conséquent, il est possible qu’il y ait des porteurs parmi nous, dont les symptômes ne se sont pas encore manifestés. Surtout que plusieurs cas ont été déclarés en Turquie. En ce qui concerne les zones du régime, aucun cas n’a été déclaré mais le plus probable est qu’il y en ait déjà. Nous pensons donc que le virus est déjà présent sur notre territoire, et que s’il ne l’est pas, il le sera dans les jours à venir.
Je souhaite donc citer quelques chiffres, le but n’étant pas de semer la panique, mais de faire face au problème avec beaucoup de sérieux et de prudence, et de la manière la plus stricte possible :
– Le taux d’infection peut atteindre 70% de la population.
– Le taux de mortalité est d’environ 3,5%.
Il est donc probable que l’infection touche de dizaines de milliers de personnes dans les zones libérées. Concernant le taux de mortalité :
– 14,8% des décès concernent les personnes ayant plus de 80 ans.
– 8% des personnes ayant entre 70 et 80 ans.
– 3,6% des personnes ayant entre 60 et 70 ans.
– 1,3% des personnes ayant entre 50 et 60 ans.
Il n’y a pas de cas de décès rapporté pour les enfants de moins de 9 ans. Les risques de décès sont donc proportionnels à l’âge, et par conséquent, il faut prendre des précautions avec les personnes les plus âgés. Les consignes les plus importantes sont :
> La fermeture totale des écoles et des universités immédiatement.
> Limiter les heures de travail, et limiter le nombre d’interactions avec les clients. Et là, j’ai un conseil à donner aux ONG d’aide humanitaire. Si vous avez des aides spécifiques à fournir et à distribuer aux bénéficiaires, j’espère que cela sera fait le plus rapidement possible, pour assurer des quantités suffisantes de produits alimentaires dans les maisons et donc, pour limiter les déplacements au minimum.
> La fermeture des cafés et des restaurants, et limiter les livraisons à domicile.
> La bonne cuisson des aliments, en particulier la viande.
> La suspension des prières collectives, et surtout de la prière du vendredi. J’en suis conscient, c’est un point sensible pour certains. Mais nous n’avons réellement pas d’autre choix. Nous sommes dans l’obligation d’interdire les rassemblements, y compris dans les lieux de culte. Comme nous l’avons précédemment précisé, les personnes les plus concernées par le danger sont les personnes âgées. Et comme nous le savons, dans notre société, une des catégories de personnes qui se rendent le plus à la mosquée pour les 5 prières, sont les personnes âgées. Pour leur intérêt, il est préférable de réaliser les prières collectives chez soi.
> Favoriser le télétravail pour éviter le rassemblement des employés.
> L’arrêt total de déplacements entre les différentes régions, et en dehors du pays, sauf en cas d’extrême urgence.
> Suspendre les rencontres sociales, et rester chez-soi, à la maison, ou surtout dans sa tente pour les camps. Comme nous le savons des centaines de milliers de personnes vivent dans des conditions catastrophiques dans les camps. La propagation du virus dans ces endroits aboutira à une immense catastrophe humanitaire. La vérité est, qu’aujourd’hui, aucune autorité n’a la possibilité d’imposer ces instructions. Nous ne pouvons donc compter que sur l’engagement individuel et la conscience de chacun. Je ne le dirais jamais assez, nous n’avons d’autres choix que le confinement total, et que chacun reste dans son espace, et évite les interactions physiques avec d’autres personnes.
> Ne pas se rendre dans les hôpitaux et les centres de santé sauf en cas d’extrême urgence, car cela représente un risque pour la personne d’un côté, et pour les agents de santé de l’autre. De plus, nous avons besoin de conserver le peu d’équipement que nous avons pour les cas difficiles, liés à la propagation du virus auquel nous allons devoir faire face.
> La désinfection et le nettoyage régulier des objets et des surfaces dans les endroits publics et dans les maisons.
> Éternuer et tousser dans son coude en cas d’absence de mouchoir ou de serviette à usage unique.
> Se laver régulièrement et très bien les mains avec du savon, ou en utilisant une solution hydroalcoolique, surtout avant de manger, en sortant des toilettes, ou après être sorti de la maison. Et ce, en faisant attention aux zones de la main qui se lavent mal et auxquelles les gens ne prêtent pas beaucoup attention. Bien laver les mains pendant 20 secondes (y passer 40 secondes si possible).
> Ne pas serrer les mains et éviter de s’embrasser.
> Ne pas toucher son visage.
> Ne pas laisser les enfants rendre visite à leurs grands-parents et éviter de côtoyer nos aînés au maximum.
> Ne pas s’approcher des animaux de la ferme sans protection.
> Chaque personne ayant des symptômes de grippe ou de rhume doit s’isoler et ne pas approcher les autres.
> Les personnes ayant des problèmes respiratoires, ou d’autres problèmes de santé, se doivent d’être extrêmement vigilants et de respecter le confinement total.
> Favoriser les personnes jeunes pour assister les malades ayant besoin d’assistance et suspectés d’être porteurs du virus. »
L’UOSSM se joint au Directorat d’Idleb dans ces préconisations. Nous suivons de très près l’évolution de l’épidémie. Nos équipes se tiennent prêtes à apporter une réponse d’urgence. Elles sont formées aux règles d’hygiène pour éviter la propagation, nous renfonçons nos programmes de santé, et un travail de sensibilisation des populations aux mesures barrières, a commencé.
Dans cette crise, nous devons tous compter les uns sur les autres. C’est l’occasion de faire preuve d’encore plus de générosité envers ceux qui n’ont rien.