Nous avons repris contact avec Oussama Alhussein, coordinateur médical UOSSM et le Dr Muhannad Alkhalil, médecin de l’UOSSM, que vous aviez découvert dans l’>>interview de Konbini<<, afin de faire le point sur la situation dans le camp d’Atme, face à l’inquiétude grandissante d’une épidémie de COVID-19. Voici ce qu’ils nous ont dit :
Dr Muhannad Alkhalil : « Dans le camp, beaucoup de personnes souffrent déjà d’infections respiratoires, liées aux conditions de vie. Mais nous n’avons pas encore constaté de personnes infectées par le COVID-19. Cependant, il est très difficile pour nous, ici, de rendre un diagnostic juste, car pour le moment, nous n’avons aucun moyen de détecter la maladie. Nous attendons les tests de dépistage, qui devraient arriver dans les prochains jours, on l’espère.
En général, dans ma clinique, j’ai affaire à de nombreux cas de pneumonie, que nous arrivons à guérir. Mais face à l’arrivée de nouveaux cas, la question se pose : sommes-nous face à des cas de COVID-19, ou de pneumonie classique ? Aujourd’hui, j’ai reçu un nourrisson de 46 jours à l’hôpital. Nous n’avons pas pu établir un diagnostic précis. Pour le moment, nous ne pouvons pas faire plus que de le mettre sous-oxygène…
Mais attention de ne pas semer la panique, à ne pas confirmer de cas sans que nous ayons les moyens de la savoir. Car diffuser ce genre d’informations non-avérées ne pourraient qu’engendrer plus de peur auprès de la population. Imaginez tous ces civils vivant déjà dans la peur, entassés les uns sur les autres… Il y a peu, j’ai reçu une dame qui était tellement anxieuse face à la maladie, qu’elle a développé des syndromes d’hyperventilation. Être prévoyant, et sensibiliser la population, oui, mais savoir lui expliquer les symptômes, c’est aussi de notre devoir. »
Oussama Alhussein : « Comme l’a dit le Dr Muhannad, notre véritable préoccupation est le grand nombre de personnes qui vivent dans une zone très restreinte. Principalement dans des camps, dans des tentes et abris de fortune, qui sont des endroits très fréquentés. »
Dr Muhannad Alkhalil : « Ce qui nous inquiète, c’est que, dans ces camps, alors qu’il le faudrait, nous ne pourrons pas faire de tests de dépistage du COVID-19 pour tout le monde, car le coût de ces tests est beaucoup trop élevé. Mais nous aurons le moyen de vérifier les cas les plus graves, ceux qui présentent des symptômes respiratoires sévères. Mais il faut être clair : les hôpitaux, ici, sont déjà confrontés à de grandes difficultés, chaque crise affaibli un peu plus notre système médical. »
Oussama Alhussein : « En attendant la réception des tests, nous distribuons aux établissements de santé des brochures rappelant les directives de l’OMS. Et transmettons les cours en ligne publiés sur le site officiel de l’OMS. Nous souhaitons également développer des POP, des procédures opérationnelles permanentes. Ce sont des procédures de sécurité qui décrivent comment affronter un risque et en réduire l’effet. Ces procédures décrivent les étapes à suivre pour réduire la possibilité qu’une contamination se produise et si elle se produit, ce qu’il faut faire pour en limiter les conséquences. Ces procédures sont définies par les soignants avec qui nous travaillons. Nous les faisons valider avant distribution. »
Dr Muhannad Alkhalil : « Ce qui est sûr, c’est qu’appliquer des mesures de confinement sera très difficile dans le camp d’Atme surpeuplé… »
Oussama Alhussein : « Le défi est immense, c’est pourtant la seule mesure efficace si l’on se base sur les directives et expertise d’autres pays. »
Partout dans le monde, la situation est particulièrement préoccupante. Plus que jamais, nous devons nous mobiliser aux côtés des plus vulnérables et faire preuve de solidarité.